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Commerce équitable et agro-écologie, par Marc Dufumier

A quoi sert vraiment le commerce équitable ? A-t-il un rapport avec l'agriculture biologique et avec la transition écologique, sociale et économique à laquelle nous aspirons ? L'ouverture de la Quinzaine du commerce équitable en mai est l'occasion d'une petite révision.
Agronome et enseignant-chercheur à la chaire d'agriculture comparée à AgroParisTech, spécialiste du développement agricole dans les pays du Sud, Marc Dufumier revient sur le concept de commerce équitable afin de mettre en lumière le rôle que peuvent jouer nos actes d'achat dans la transition vers une société plus écologique et plus juste. 

 

Équitable : concrètement ça veut dire quoi ?

À l’origine, le mouvement du commerce équitable s’est présenté comme un mouvement citoyen mondial dont l’ambition était de réduire la pauvreté de nombreux petits producteurs (paysans, artisans, etc.) du « Tiers Monde », en rééquilibrant les relations économiques entre nations du Sud et du Nord. L’idée était de promouvoir les conditions d’une plus grande équité dans le commerce Sud - Nord plutôt que de pratiquer un quelconque assistanat en direction des peuples les plus pauvres du monde (Trade : not aid).

Grâce à des prix minimums garantis et à une la prime de développement versée à des associations de producteurs du Sud ou à leurs coopératives, les divers acteurs du commerce équitable (associations de solidarité internationale, entreprises, certificateurs, etc.) contribuent aujourd’hui à l’amélioration du quotidien de plus de 10 millions de producteurs et, du fait des effets induits, le sort de leurs communautés, dans environ 70 pays. Son mérite est de démontrer concrètement que beaucoup de choses peuvent changer pour les producteurs bénéficiant de prix rémunérateurs et stables et que leurs effets bénéfiques se répercutent ensuite au sein des villages, et bien au-delà. 


Bio et commerce équitable, quel rapport ?

Le mouvement du commerce équitable est l’une des premières démarches de consommation responsable qui permet à des citoyens du Nord d’affirmer leurs préférences pour l’achat de marchandises labellisées, produites dans le respect des humains et de l’environnement. Il s’efforce en effet depuis le début de mieux rémunérer celles des familles paysannes qui s’engagent à pratiquer une agriculture inspirée de l’agro-écologie, débouchant sur la fourniture de produits à faible coûts énergétiques et environnementaux. 

La prime de développement accordée aux organisations de producteurs bénéficiaires du commerce équitable est donc conditionnée à la mise en œuvre de systèmes de production agricole diversifiés faisant un usage intensif des ressources naturelles renouvelables ou pléthoriques (l’énergie solaire pour la photosynthèse, le carbone du gaz carbonique de l’atmosphère pour la confection des sucres et des lipides, l’azote de l’air pour la fabrication des protéines, etc.) et ayant le moins recours possible aux intrants manufacturés (engrais de synthèse, produits phytosanitaires, antibiotiques, etc.). Ces systèmes diversifiés sont aussi bien souvent ceux qui permettent aux agriculteurs de s’adapter aux dérèglements climatiques (en ne mettant pas tous les œufs dans le même panier), d’atténuer leurs émissions de gaz à effet de serre (gaz carbonique, méthane,  protoxyde d’azote), de séquestrer du carbone dans la biomasse végétale et dans l’humus des sols, et de préserver une grande biodiversité domestique et spontanée au sein des agroécosystèmes locaux.


Un outil pour promouvoir l'agriculture paysanne et durable...y compris en France 
 

En opérant ainsi, le mouvement du Commerce équitable qui s’inscrit dans la perspective d’une économie sociale et solidaire n’apparaît pas seulement comme étant un outil de promotion sociale pour les familles bénéficiaires du Sud mais peut être aussi considéré comme une façon de promouvoir des formes d’agricultures paysannes et durables dans leurs pays. Tant et si bien que 70% des produits vendus aujourd’hui avec la mention « équitable » sont des produits labellisés bio. 

La Plateforme pour le commerce équitable (PFCE) s’efforce de sensibiliser les mouvements d’éducation populaire à la démarche du commerce équitable et à stimuler les comportements de consommation responsable au sein de la société française (consommateurs du grand public, associations, entreprises, collectivités territoriales, etc.). Elle offre enfin un appui juridique aux pouvoirs publics pour l'intégration de clauses sociales et environnementales dans leurs achats. A noter que depuis la promulgation de la récente loi sur l’économie sociale et solidaire (loi E.S.S.), il est désormais possible d’étendre la pratique du Commerce équitable à des denrées agricoles et objets artisanaux produits en France et dans l’Union européenne : Une occasion de promouvoir la vente de produits issue de l’agriculture bio dans le cadre de circuits courts et équitables.
 

Un moyen citoyen de lutte contre l'ultra-libéralisation 

 
Mais le mouvement du commerce équitable n’agit pas seulement pour vendre des produits labellisés “équitables”. C’est d’abord et avant tout un mouvement de citoyens qui se mobilisent pour que les règles du commerce mondial puissent changer et que les droits des paysans et artisans soient partout respectés, où qu’ils soient dans le monde. Il plaide pour que les produits agro-alimentaires ne soient pas considérés comme étant de simples marchandises soumises aux règles du dit “libre” échange et milite pour une régulation des marchés internationaux de façon à répondre aux enjeux d’un développement plus juste et durable : souveraineté alimentaire, sécurité sanitaire des aliments, durabilité des systèmes de culture et d’élevage, création d’emplois rémunérateurs pour le plus grand nombre, etc. 
 
D’où son opposition aux négociations actuellement en cours pour la signature de traités internationaux portant notamment sur la libéralisation des échanges de produits agricoles et alimentaires : accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les pays africains, et traités transatlantiques (TAFTA et CETA) risquant d’exposer les paysanneries européennes à l’importation de produits ne répondant pas à un minimum de garantie du point de vue de la qualité sanitaire des aliments et de la protection de l’environnement.

 
[-> Participez à la Quinzaine pour le commerce équitable ! C'est l'occasion de promouvoir cette forme d'échange auprès de vos proches, amis, voisins...autour d'une table!]

 
Marc Dufumier
Agronome, enseignant-chercheur à AgroParisTech
membre du comité de soutien de Bio Consom'acteurs
Sociétal

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