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Notre santé reflète celle de la Terre, par Lylian Le Goff

Lorsque l’homme altère la Terre, il s’agresse lui-même par l’air qu’il respire, l’eau et les aliments qu’il ingère.
Il est temps d’en prendre conscience et de donner du sens au quotidien à un développement soutenable, sans pour autant dédouaner les autorités politiques de leurs responsabilités.


Nous devenons ce que nous mangeons


Cet aphorisme est démontré chez le poisson. Sauvage, il est recommandé pour la richesse de sa chair en corps gras oméga 3 ; par contre,  en piscicultures intensives, sa chair se concentre en corps gras saturés en raison d’une alimentation comparable à celles des élevages hors sol, sans compter les traces d’antibiotiques (et les colorants pour le saumon).

L’aliment – le fruit des éléments – est devenu un facteur de risque. Le plaisir de manger fait place à la notion de sécurité alimentaire. Conséquence des dérives de l’agro-industrie, la chasse aux microbes, prions, nitrates, pesticides, additifs, OGM, perturbateurs endocriniens, etc … l’emporte sur la recherche des saveurs et du bien-être.

Constat : 80% des pathologies, dont 40% des cancers et 1/3 des gaz à effet de serre sont en relation avec l’alimentation. Sont en constante augmentation, les cancers, le surpoids, le diabète de la maturité, les allergies, les maladies neurodégénératives, les cas d’hypofertilité et de malformations urogénitales.

Les principales causes sont l’intensification et l’industrialisation des modes de production avec pour répercussions des pollutions délétères et une altération de la qualité nutritionnelle des produits (la grande enquête SUVIMAX de l’INSERM a révélé une insuffisance d’apports en nutriments protecteurs : antioxydants, vitamines du groupe B, carence en fibres alimentaires).
La composition des repas a aussi une grande part de responsabilité. S’il est une règle d’or en nutrition c’est de « manger de tout un peu ». Or, depuis l’après guerre, sévit un déséquilibre majeur dans les apports en protéines au détriment de celles d’origines végétales (légumineuses et céréales non raffinées) : un excès de protéines carnées va de pair avec un excès de corps gras saturés, ce qui favorise le surpoids, les maladies cardiovasculaires et les cancers. Or les protéines végétales sont accompagnées de bien plus de nutriments protecteurs et sont beaucoup plus économiques que celles des produits carnés. Manger équilibré préserve sa santé et son budget même si l’on mange bio grâce à l’économie réalisée par la réduction des excès en protéines animales. Nombre de restaurations collectives le prouvent.


L’agriculture biologique produit sans détruire


Il faut entendre par là qu’elle respecte l’intégrité de l’environnement et privilégie la qualité, ce qui se traduit à la fois par la richesse nutritionnelle de ses produits et par la création d’emplois. Elle est un modèle de développement agricole durable.

La priorité des cahiers des charges bio est l’entretien et le renouvellement des ressources du sol, le respect des cycles biologiques, la non dépendance aux intrants chimiques de synthèse, que ce soit pour les productions primaires ou les produits transformés.

L’ensemble des techniques de l’agriculture biologique confère aux cultures et aux élevages une vitalité et une immunité naturelles : les productions bio font l’économie des traitements systématiques nécessités par la vulnérabilité des productions conventionnelles. Au total, cela se traduit par le « plus bio » : une meilleure densité nutritionnelle des produits prouvées par des études nutritionnelles comparatives (européennes, nord-américaines, françaises dont l’actuelle grande enquête Nutinet-Santé : ses premiers résultats font apparaître que la consommation régulière de produits bio est « plus bénéfique pour la santé » : « moindre probabilité d’être en surpoids, apports plus élevés en vitamines et minéraux, en acides gras oméga 3 et en fibres »).

De plus, tout nutriment est un support de saveur : plus un aliment est riche en nutriments, plus il est « goûteux » en bouche, ce que l’on reconnaît volontiers aux produits bio, même sans analyses !


Concilier individualisme et altruisme


Ces quelques lignes reposent sur l’expérience acquise durant plusieurs années qui, notamment, fut à l’origine de l’une des toutes premières démonstrations de menus intégralement bio, sans surcoût, servis en restauration collective en 1998 à Lorient, qui depuis a fait école.

Etre un « consom’acteur » c’est manger sainement avec plaisir tout en donnant du sens au quotidien à un développement soutenable ; c’est contribuer à l’essor de la filière agrobiologique qui, en France, demeure encore marginale, alors qu’elle est créatrice d’emploi et préserve ses prix à la production... au moment où les filières conventionnelles sont au plus mal !

L’un des enjeux écologiques majeurs du XXI e siècle est conditionné par le dérèglement climatique ; or le contenu de notre assiette, avec tout ce qui est mis en œuvre pour l’approvisionner, représente le premier poste de dégagement de gaz à effet de serre avec plus de 30% … ce qui n’a pas été du tout abordé lors de la grand’ messe sur le climat de la COP 21 ! Or, consommer des produits bio, de proximité et de saison, en réduisant les protéines carnées au profit des protéines végétales, sont des facteurs déterminants pour réduire l’impact de notre alimentation sur le climat.

Ainsi, manger bio, c’est être cohérent au point de concilier une démarche à la fois individualiste et altruiste : préserver sa santé et le plaisir des vraies saveurs, sans grever son budget, par une alimentation saine, non polluée et riche en nutriments essentiels à l’entretien de  son énergie vitale, et préserver en même temps le cadre de vie en soutenant une agriculture authentiquement écologique et socialement équitable.


Lylian LE GOFF
Médecin environnementaliste, membre actif de Eaux et Rivières de Bretagne, la Fondation pour la Nature et l'Homme, Bretagne Vivante et du comité de pilotage du Plan régional santé environnement de Bretagne.
Auteur notamment de "Manger bio c'est pas du luxe" (version réactualisée chez Marabout Poche), "Ceci n'est pas un régime" (Marabout), "Nourrir la vie" (Roger Jollois)
 

Alimentation/Santé

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