dossiers et débats

« Au goût, un poireau bio n'a rien à voir avec un poireau conventionnel » - Jean Montagard, chef en cuisine bio et végétarienne

 

Chef reconnu en cuisine végétarienne et bio, professeur de cuisine et auteur, Jean Montagard, membre du comité de soutien de Bio Consom'acteurs, explique pourquoi et comment il consomme bio.

 

Vous êtes célèbre pour votre art de la cuisine végétarienne et bio ! Bio et végétarisme sont-ils liés selon vous ?

 
A mon sens, bio et végétarisme sont très complémentaires. La consommation de viande a un impact énorme sur l'environnement. Or, la bio, c'est justement le respect de l'environnement. Manger bio n'a donc de sens environnemental que si l'on mange moins de viande, c'est-à-dire une à deux fois par semaine. C'est d'ailleurs ce que faisaient les anciens, pour qui la viande était un repas de fête : mon grand-père mangeait de la viande seulement le dimanche et se portait très bien ! Après, il y a la question du respect de l'animal. Honnêtement, je pense que l'élevage concentrationnaire qui est la norme aujourd'hui est un des plus gros scandales de notre époque ; et si l'on peut avoir une alimentation équillibrée sans tuer, je ne vois pas pourquoi on devrait le faire… Mais je ne suis pas sectaire ! A mes étudiants en hôtellerie qui souhaitent cuisiner de la viande, je préconise la viande bio, qui provient d'animaux ayant eu une vie tout de même meilleure qu'en conventionnel. Tout est une question de cohérence.
 

A part manger moins de viande, c'est quoi, être en cohérence avec les valeurs portées par la bio, pour vous qui aimez les bonnes choses ?

 
Je crois qu'il faut choisir des produits qui soient à la fois bio, de proximité et de saison. C'est très important car cela revient à renouer avec notre terroir, notre environnement et les gens qui vivent et travaillent près de nous. Ce qui est totalement en phase avec le respect de la vie porté par la bio. C'est pour cela que je suis très AMAP [NDLR : association pour le maintien d'une agriculture paysanne]. Je trouve que c'est une façon particulièrement intelligente de consommer, car elle permet à la fois de consommer bio et de proximité, mais aussi de créer de l'échange humain. Et puis, l'AMAP incite à cuisiner avec ce qui pousse à un moment donné. Quand le panier est un peu toujours le même, ça oblige à être créatif ! Cuisiner avec les saisons est d'ailleurs l'esprit de « Grande cuisinine végétarienne », mon dernier livre paru chez La Martinière.
 

Et les produits d'épicerie, qui ne sont pas toujours disponibles en AMAP ?…

 
Pour tout ce qui n'est pas disponible en AMAP, que ce soit l'épicerie ou les produits originaux comme le miso, le tamari, etc. j'aime bien aller dans les magasins bio qui ont un état d'esprit similaire, comme Biocoop. Ils essaient de valoriser la bio locale donc de saison et équitable pour le producteur. Cela a permis d'ailleurs de développer certaines filières françaises pour des produits qu'on importait il n'y a pas si longtemps, comme les légumineuses ou la quinoa. 
 

Que pensez-vous de la bio en supermarché conventionnel, qu'on retrouve de plus en plus souvent ? Pour ou contre ?

 
Je suis pour, car je pense que c'est un bon moyen de faire connaître l'existence de l'alimentation biologique à beaucoup de gens. C'est par ce biais-là qu'il pourront se tourner dans un second temps vers les magasins spécialisés et les AMAP.
 

D'un point de vue culinaire, trouvez-vous que les aliments bio sont différents au goût que les conventionnels ?

 
C'est indiscutable ! Les fruits et légumes frais bio sont vraiment meilleurs. Pour vous dire, quand j'enseignais en lycée hôtelier, je proposais à mes étudiants des tests de dégustation avec des fruits et légumes bio et conventionnels. A chaque fois, mes élèves - qui ne connaissaient pas le bio ! - n'en revenaient pas de la différence de goût. Un poireau bio, même s'il est de la même variété qu'un poireau conventionnel, même s'il présente les mêmes quantités d'eau et de sel, aura une couleur, une odeur, une texture complètement différentes, plus savoureuses.

Avez-vous des façons particulières de cuisiner les produits bio ?

 
Absolument pas. En revanche, lorsqu'on est végétarien, je conseille de choisir uniquement des légumes bio pour ses cuissons à l'étouffée : celle-ci met bien en valeur les saveurs des légumes, mais elle concentre les pesticides à l'intérieur ! Ce qui n'est pas le cas de la cuisson à l'eau, qui dilue les pesticides dans l'eau.
 

Que dites-vous aux personnes qui disent qu'elles n'ont pas les moyens de manger bio ?

 
Je leur conseillerais de diminuer un peu leur consommation de viande...Vraiment, si l'on se contente d'un à deux repas de viande par semaine, le prix du caddie reste tout à fait correct. D'ailleurs, les collectivités qui introduisent du bio dans leurs cantines, comme Mouans-Sartoux, l'ont bien compris et communiquent largement là-dessus. Pour réduire leurs coûts, elles diminuent les portions de viande et le gaspillage. 
 
 
 

 
Découvrez le dernier livre de Jean Montagard, pour magnifier les fruits et légumes de saison :
"Grande cuisine végétarienne" - éditions de La Martinière - 2014
 
 
 

Crédit photos : Jean-François Rivière

Alimentation/Santé

Ajouter un commentaire