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Étiquetage nutritionnel, applications de notation des aliments… peut-on leur faire confiance ?

Article parue le 25 janvier dans la revue Biocontact.

Auteur·rices : Estelle Dubreuil (FAIRe un monde équitable), Marion Delnondedieu (Bio Consom'acteurs), Julien Lucy (Bio Consom'acteurs)


Alors que l’inflation rebat les cartes de la consommation, que les labels, marques et mentions valorisantes fleurissent au risque de perdre les consommateur·rices, l’accès à l’information est essentiel pour mieux maîtriser sa consommation et faire des choix éclairés. À l’heure où greenwashing et fairwashing s’étendent et peuvent tromper notre vigilance, à quels affichages environnementaux et à quelles applications pouvons-nous nous fier ?

 

En bref :

- Projet de mise en place d’une loi climat avec objectif de mettre en place un affichage environnemental qui devra informer les consommateur.rices sur l’empreinte écologique des produits alimentaires.

-  L’Éco-score, une méthode envisagée qui ne prend pas correctement en compte les atteintes à la biodiversité et l’impact des pesticides. Pour y remédier, un collectif d’associations propose une évolution basée sur l’indépendance et la transparence.

- Les applications : chacune offre une perspective unique pour orienter les consommateur.rices vers des choix plus éthiques. Certaines incohérences soulèvent des interrogations sur la fiabilité de ces outils.

- Logo et Label : La création de logo par des marques veulent laisser penser qu’il s’agit d’une labellisation. Un logo n’est pas un label.

- Consommer demande des efforts : malgré les applications, rien de remplacera l’effort du consommateur pour comprendre et s’éduquer lui-même.

 


L’affichage environnemental vise à fournir aux consommateur·rices une information sur les impacts environnementaux des produits de consommation et services sur l’ensemble de leur cycle de vie.
Ce dispositif d’affichage environnemental a été engagé depuis 2009 dans le cadre du Grenelle de l’environnement afin de « sensibiliser les consommateurs aux impacts environnementaux des produits et services ». Depuis, il y a eu de nombreux rebondissements, et on attend toujours…

 

Nutri-Score, Éco-Score, Planet-Score… on fait le point

On connaissait déjà l’étiquette-énergie, qui résume les caractéristiques d’un produit, en particulier ses performances énergétiques, afin de faciliter le choix entre différents modèles. Depuis 2014, c’est le Nutri-Score qui a commencé à arriver dans les rayons. Le Nutri-Score est un système d’étiquetage nutritionnel à cinq niveaux, allant de A à E et du vert au rouge, établi en fonction de la valeur nutritionnelle d’un produit alimentaire. Il a pour but de favoriser le choix de produits plus sains d’un point de vue nutritionnel et ainsi de participer à la lutte contre les maladies cardiovasculaires, l’obésité et le diabète.
Quant à elle, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire prévoit une harmonisation de l’information des consommateur·rices sur les caractéristiques environnementales des produits proposés à la vente à partir de 2022. Un dispositif d’affichage environnemental ou social volontaire est alors étudié sous forme d’expérimentation pour définir une méthodologie obligatoire.
La future loi climat prévoit un affichage environnemental qui devra informer les consommateur·rices sur l’empreinte écologique des produits alimentaires.
Début 2021, une étiquette environnementale pour les produits alimentaires, l’Éco-Score, est utilisée par une dizaine d’applications et sites pour mieux informer les consommateurs et orienter l’évolution des pratiques des industriels, du moins théoriquement.
Or pour le moment, la méthode envisagée pour servir de base à cet Éco-Score ne prend pas correctement en compte les atteintes à la biodiversité et l’impact des pesticides, par exemple. En effet, les impacts environnementaux sont calculés à partir de la base de données agricoles Agribalyse, via des analyses du cycle de vie (ACV). Les manques actuels des ACV et de l’Agribalyse favorisent de manière aberrante l’agriculture intensive.
Conscients de cette incohérence, les auteurs de l’Éco-Score ont tenté d’y remédier en le corrigeant par un système de bonus-malus en fonction de critères non ou mal pris en compte par l’Agribalyse. Par exemple, les produits bio bénéficient d’un bonus de 15 points, et même de 20 points s’ils sont certifiés Nature et Progrès, Bio Cohérence ou Demeter.
Mais on trouve également des produits classés A dont on peut difficilement dire qu’ils ont un impact très faible sur l’environnement. Par exemple : la compote de pommes venant de vergers conventionnels, ayant pu être traités plus de trente fois avec des pesticides chimiques, est classée A. De même pour des yaourts faits avec du lait provenant d’élevages de type industriel.
En avril 2021, fédérées par l’ITAB et le Synabio, plusieurs organisations ont alors dénoncé dans un communiqué de presse commun les limites de l’actuel Éco-Score.
Dans le cadre de l’appel à projets lancé par le ministère de l’Écologie et l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour développer cet affichage, le collectif regroupant associations de consommateurs (dont Bio Consom’acteurs et FAIRe un monde équitable), de protection de l’environnement, organisations de défense du bien-être animal et acteurs de la bio propose la solution du Planet-Score. Ce score, fruit d’un travail basé sur l’indépendance et la transparence, propose une évolution de l’Éco-Score afin de prendre en compte l’impact environnemental réel des produits en détaillant trois sous-indicateurs : les pesticides, la biodiversité et le climat, ainsi qu’un indicateur « bien-être animal ».

 

Les applications : une situation contrastée

Dans cette quête d’informations fiables, un écosystème d’applications émerge comme des balises dans le labyrinthe des évaluations environnementales, chacune offrant une perspective unique pour orienter les consommateur·rices vers des choix plus éthiques.

Yuka, en tant que pionnière, analyse les produits alimentaires sous l’angle de la composition, des additifs, et de la qualité nutritionnelle. Elle permet aux consommateur·rices soucieux et soucieuses de leur santé de scanner les codes-barres et d’obtenir instantanément des informations détaillées sur la composition du produit, avec une attention particulière portée aux additifs indésirables.

Open Food Facts se distingue par sa base de données participative, offrant une approche collaborative de l’information sur les produits alimentaires. Les utilisateur·rices peuvent contribuer en ajoutant des données sur les produits qu’ils rencontrent, créant ainsi une ressource riche et dynamique pour les consommateurs souhaitant une transparence accrue sur l’origine et la composition des produits.

myLabel s’inscrit également dans cette mouvance, offrant aux consommateur·rices une vision holistique en intégrant des critères de durabilité, d’éthique et d’impact environnemental. S’appuyant sur les études, enquêtes et campagnes de tiers de confiance que sont les ONG d’intérêt général, elle se positionne comme une solution complète en évaluant les produits selon des dimensions variées, allant de la responsabilité sociale à l’empreinte carbone. Cette application offre aux consommateurs des critères de choix plus large que les autres.

QuelProduit se démarque par son engagement à fournir des informations claires sur l’impact environnemental des produits. L’application propose une analyse détaillée des produits en mettant en lumière des critères tels que l’empreinte carbone, la préservation de la biodiversité et les pratiques éthiques des marques. Totalement gratuite et indépendante, QuelProduit a été lancée par la très renommée association de consommateur·rices française UFC-Que Choisir.

Y’a Quoi Dedans se concentre sur la composition des produits, offrant aux consommateur·rices la possibilité de scanner les codes-barres pour accéder à une évaluation détaillée des ingrédients. L’application met l’accent sur la transparence des informations, permettant aux utilisateur·rices de prendre des décisions éclairées en matière de santé et de durabilité. Y’a Quoi Dedans est une application gratuite lancée par les supermarchés U en 2018. Elle utilise la base de données Open Food Facts et reconnaît plus de 374 000 références.

ScanUp se positionne comme une application qui va au-delà de l’évaluation nutritionnelle en intégrant des critères éthiques et environnementaux. En plus d’analyser la composition des produits, ScanUp évalue l’impact écologique, encourageant ainsi les consommateur·rices à faire des choix alignés sur leurs valeurs environnementales.

Cependant, la vigilance reste de mise, car même si certaines applications adoptent l’Éco-Score, elles peuvent présenter des limites. L’incohérence de certaines classifications soulève des interrogations sur la fiabilité de ces outils. C’est dans ce contexte que des solutions comme le Planet-Score, avec son approche holistique, se dessinent comme des solutions prometteuses pour un avenir où la transparence environnementale guidera nos choix de consommation vers une démarche plus éthique et durable.

Jouez pour apprendre sur les labels alimentaires !

Avec des logos qui se multiplient dans tous les rayons, difficile pour les consommateurs et les consommatrices d’y voir clair ! Entre les labels équitables, bio et durables ou encore les initiatives des marques et distributeurs, comment pouvons-nous être sûrs que les produits que nous choisissons respectent les producteurs et productrices tout en préservant la planète ? Car certaines marques souhaitent surfer sur la tendance de la consommation responsable sans pour autant vouloir prendre de réels engagements.
Une solution ? Apprendre à faire le tri dans son chariot !
Comment ? Décrypter les étiquettes et reconnaître les labels alimentaires !
Durée : 15 à 30 minutes.
Jeu d’animation : stand ou atelier.
Public : grand public, scolaire, étudiants, toute personne désirant disposer de repères pour sa consommation.
Pour commander la Boussole et le jeu des labels : https://www.helloasso.com/associations/fair-e-un-monde-equitable/eveneme...


Un logo n’est pas un label

Cet aspect de « garantie externe » est devenu très important, y compris pour les marques qui n’hésitent pas depuis plusieurs années à créer elles-mêmes des logos, laissant penser qu’il s’agit d’une labellisation. Or il s’agit de logos de programmes internes qui, certes, indiquent que la marque a pris conscience de sa responsabilité sociétale, mais sans donner aucune indication sur les critères intégrés, ni sur le mode de contrôle, ni sur l’actualisation des actions.
Pour rappel, un label repose sur un cahier des charges accessible à une diversité d’entreprises et identique pour chacune d’entre elles, sur un mode de contrôle indépendant qui va autoriser l’apposition d’un logo, signal pour les consommateurs que ce produit a bien rempli le cahier des charges.


Consommer demande aujourd’hui un effort

Pour s’y retrouver, les applications sont d’une grande aide puisqu’elles facilitent le travail. La Boussole des labels, parue en avril 2021, toujours d’actualité, permet également de faire le tri et d’opter pour une consommation qui soit en cohérence avec ses choix de durabilité. Toutefois, rien ne remplace l’effort du consommateur pour comprendre et s’éduquer lui-même. En se documentant et en utilisant les outils cités dans cet article, il acquiert petit à petit une connaissance et un esprit critique qui lui permettront de dépasser l’esprit de méfiance globalisant, et de savoir trier sans tout rejeter en bloc comme de nombreux consommateurs sont tentés de le faire en ce moment. Toutes les initiatives ne se valent pas, certaines sont plus justes, plus exigeantes, plus systémiques et méritent d’être soutenues pour éviter la diminution de l’impact.

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