« ImPACtons » : le premier débat public sur l’agriculture en France
L’organisation d’un débat public sur l’agriculture en France est inédite et révèle l’importance d’inclure les contribuables dans la mise en œuvre de la stratégie agricole des six prochaines années.
La Commission Nationale de Débat Public organise actuellement un débat public sur l’agriculture en France, mais pourquoi ?
La France, en tant que membre de l’UE, doit adopter la Politique Agricole Commune (PAC) qui vise à harmoniser sur l’ensemble du territoire les politiques agricoles des différents États membres. Elle fut créée en 1962 dans le cadre de la construction européenne afin de moderniser l’agriculture européenne et ainsi la rendre plus productive. Or ce prisme avait son intérêt à l’époque, mais face aux enjeux actuels, la (sur)productivité est à la fois incompréhensible et inacceptable.
Tous les 6 ans, la PAC est de nouveau étudiée pour s’adapter aux évolutions, et l’UE travaille actuellement sur celle qui donnera la ligne de conduite des États membres sur la période 2021-2027. L’idée pour cette période est de donner les moyens aux États de répondre aux nouveaux enjeux écologiques et sociaux. Elle vise donc à redonner aux agriculteurs de l’importance dans la chaîne de valeur, pour leur permettre de pouvoir vivre décemment de leur métier, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Cela permettrait aussi de redonner de l’attrait pour ce métier dévalorisé depuis des décennies, alors que de nombreux agriculteurs vont partir à la retraite dans les années à venir. Or c’est un métier d’avenir, afin de répondre aux enjeux environnementaux et sociaux.
L’agriculture est l’un des piliers majeures dans la transition du fait de son impact sur la biodiversité, sur la pollution des sols… La crise sanitaire prouve qu’il est nécessaire de modifier radicalement notre système de production et notamment au niveau agricole.
En effet, les activités humaines modifient les équilibres naturels, ce qui favorisent l’émergence des maladies qui se transmettent de l’animal à l’Homme, comme le coronavirus. Ensuite se pose la question de la souveraineté alimentaire : dans un avenir pleins d’incertitudes, où les aléas climatiques seront de plus en plus nombreux, il est nécessaire d’avoir une certaine autonomie alimentaire.
Au niveau social, l’objectif pour la période est de permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail, mais aussi, d’avoir la capacité d’offrir à l’ensemble de la population une nourriture saine et équilibrée tout en prenant en compte le bien-être animal. D’autant plus que l’agriculture biologique nécessite plus de main d’œuvre, ce qui pourrait redynamiser l’emploi et réduire les inégalités sociales.
Mais il ne faut pas pour autant oublier l’importance de l’agriculture européenne dans l’économie mondialisée et les impacts de notre politique agricole sur les marchés locaux. En effet, les industriels européens pratiquent de la concurrence déloyale en Afrique de l’Ouest : la surproduction de lait en Europe est exportée sous forme de poudre qui est ensuite regraissé avec de l’huile de palme. Cela pose plusieurs problèmes : d’abord les agriculteur.trice.s ne peuvent vendre leur production de lait, car le prix de ce lait en poudre est inférieur au prix du marché local. Ensuite, outre l’aberration écologique et sanitaire de l’utilisation d’huile de palme, ses apports caloriques sont de moins bonnes qualités que celle de la graisse laitière.
Mais pourquoi cette politique établie au niveau européen fait irruption dans le débat politique français ?
Pour mettre en place ces objectifs l’UE donne des subventions aux différents Etats membres. La PAC c’est 55 milliards d’euros par an dont 9 milliards pour la France ! Et pour les obtenir, la France doit établir un plan stratégique national, où elle explique comment seront alloués les fonds. Ces fonds permettent de soutenir les exploitations agricoles, d‘accompagner l’aménagement des territoires, le développement des zones rurales, et d’aider un secteur qui impacte et qui est impacté par l’environnement. Or actuellement la majorité est allouée en fonction de la taille des exploitations, ce qui favorise l’agriculture industrielle.
Ce sont 5 thèmes principaux qui sont actuellement débattus, afin de mieux dresser un portrait de l’agriculture française :
1. Qu’est-ce que je mange ?
2. Quels modèles agricoles pour la société française ?
3. Comment cohabiter dans les campagnes ?
4. Quelle transition agroécologique ?
5. Qui décide de la politique agricole ?
Les lobbies industriels ont depuis bien longtemps la main mise sur l’élaboration des politiques et ce débat laisse espérer que les contribuables puissent aussi faire entendre leurs voix. Car même si cette nouvelle orientation de la PAC semble aller vers la bonne voie, il faut désormais des actes concrets.
Le chemin reste long, malgré l’organisation d’un débat public comme le montre la décision du gouvernement français d’autoriser des dérogations pour l’utilisation de pesticides interdits il y a quelques années, et voté aujourd'hui par l'Assemblée Nationale...
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