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Rencontre avec Julie Maisonhaute de Commerce Equitable France

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Portrait du mois : Julie Maisonhaute

Nous avons rencontré récemment Julie Maisonhaute, responsable Commerce équitable origine France, lors d'une formation sur le Commerce équitable... origine France! A l'approche de la Quinzaine du Commerce Equitable, nous vous proposons de découvrir son portrait et son engagement pour une consommation responsable ! 

Qu’est-ce que la consommation responsable selon toi ? 

Pour moi la consommation responsable c’est d’abord être conscient que la consommation de chacun, qui est un geste quotidien, n’a rien d’anodin mais qu’elle façonne en grande partie le modèle d’agriculture, de relations économiques et de notre société. Après, il est loin d’être facile d’être parfait, et nous sommes en permanence dans des arbitrages. Personnellement, je suis très attentive à l’alimentation (très majoritairement du bio, cuisine maison autant que possible, café, chocolat, thé équitables évidemment !) mais je ne vais pas aussi loin que je le voudrais sur la réduction des emballages (premier magasin vrac à 20km), habitant en campagne je n’arrive pas à me passer de voiture, et comment acheter des chaussures équitables pour les enfants qui changent de pointure tous les 6 mois et avec un budget non extensible ? Favoriser une consommation responsable c’est à la fois amener chacun à évoluer dans ses pratiques mais c’est aussi construire une offre partout : c’est parce que les produits bio sont dans des magasins de proximité que devenir bioconsom’acteur est possible pour tous.

Comment devient-on un consom’acteur ? Raconte-nous ton histoire, ton engagement personnel ? 

Pour moi c’est d’abord un parcours professionnel engagé. J’ai fait le choix dans mes études à l’Agro Paris Tech de m’orienter vers la solidarité internationale, un stage au Cambodge a sans doute été déclencheur pour cela. Les préoccupations environnementales, qui a cette époque n’étaient pas aussi présentes ni dans les médias, ni dans les formations, sont venues un peu plus tard. A la fois bien-sûr lorsque nos enfants sont arrivés - la construction d’un avenir viable devient très concret ! - mais aussi lorsque mon activité dans le commerce équitable m’a permis de matérialiser les convergences entre la solidarité internationale et l’environnement. Je me suis installée depuis une dizaine d’année dans la Drôme avec ma famille, j’ai travaillé plusieurs années à la structuration des filières bio régionales, avant de revenir au commerce équitable. Et clairement, plus on connaît en détail les enjeux du bio et du commerce équitable, plus on est soi-même consommateur : on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas ! J’ai aussi la chance de vivre dans un département qui offre de nombreuses possibilités de consommer bio, local, paysan, équitable.

Selon toi, qu’est-ce que le commerce équitable d’aujourd’hui ? Quels sont ses enjeux ?

Le commerce équitable garantit aux producteurs et productrices, des prix stables et rémunérateurs pour vivre dignement de leur travail et adopter des modes de production respectueux de leur environnement. Aujourd’hui l’offre de produits de commerce équitable est principalement alimentaire et cosmétique, mais il y a un réel enjeu à développer plus fortement cette logique de partenariat équitable dans le tourisme, l’artisanat, le textile. Pour moi les enjeux c’est de permettre à chacune et chacun de vivre dignement de son travail. Il s’agit aussi, par les pratiques économiques, d’accélérer la transition écologique des modes de production au Sud comme en France. Et symboliquement, il s’agit aussi de redonner de la valeur à l’acte de production. J’aimerais pouvoir dire à mes enfants que pour gagner leur vie demain, paysan ou artisan seront de bons métiers, plutôt que commercial ou marketeur !

Lorsqu’on parle de commerce équitable on pense souvent aux produits du Sud, qu’en est-il vraiment ?

Historiquement le commerce équitable s’est développé sur des produits comme le café, le cacao, les bananes, le thé et il y a encore fort à faire dans ces filières pour que nos achats en Europe permettent aux producteurs et productrices d’Amérique Latine, d’Afrique ou d’Asie de vivre décemment et d’être en capacité de s’adapter au changement climatique. Mais depuis quelques années, des partenariats de commerce équitable avec des agriculteurs français se développent. Produits laitiers, farines, huiles, fruits et légumes, confitures… on peut désormais trouver ces produits en version équitable en magasins bio comme en grandes surfaces. Les produits origine France constituent 1/3 des ventes de produits équitables en 2017 et de plus en plus nous pourrons trouver des biscuits associant des œufs, des farines françaises et du cacao et du sucre du Sud, le tout équitable !

Peut-on associer le commerce équitable à la bio ?

Evidemment ! Une très forte part des produits équitables sont également bio (80% des produits du Sud, 46 % des produits français). Les consommateurs plébiscitent la double labellisation bio et équitable. Les engagements de commerce équitable, en donnant aux producteurs une visibilité sur les prix et les volumes sont même des facteurs d’accélération des conversions Bio. Le mouvement du commerce équitable participe activement à la transition agro-écologique.

Quels conseils donnerais-tu à un.e novice qui veut se lancer dans la consommation responsable ?

Je proposerais de commencer par les achats pour l’alimentation à la maison, c’est le plus quotidien et c’est fortement porteur d’impact. D’abord dégager du budget pour acheter des produits de qualité en limitant la consommation de viande et de plats préparés. Acheter les produits frais autant que possible en bio et bien-sûr de saison. Privilégier des réseaux de distribution qui réfléchissent la gamme de produits proposés, les magasins Bio, les détaillants de proximité et de vrac. Les labels constituent des repères utiles, en bio comme en commerce équitable. Essayer d’amener une boîte pour son déjeuner au boulot, faire ses propres yaourts, au moins de temps en temps. Pour les habits, le mobilier, les jouets, penser seconde main. Et surtout en parler avec vos enfants, vos amis, vos collègues, avec des moments de partage : les vide-greniers c’est super sympa, aller dans un magasin de producteurs c’est beaucoup plus agréable que les rayons de supermarché, cuisiner ou jardiner ensemble sont des moments agréables. Et aussi faire au mieux avec le temps et le budget dont on dispose !

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Commentaires

« c’est parce que les produits bio sont dans des magasins de proximité que devenir bioconsom’acteur est possible pour tous. »

Là, je me pose des questions : habitant en Allemagne, je vois à quel point la distribution de produits bio en grande surface sape les petits magasins bio... c'est leur mort. Et souvent, c'est le même schéma de commercialisation qui se reproduit au niveau bio : on casse les prix et les producteurs sont obligés de vendre en dessous des prix souhaitables. Sinon, comment pourrait-on expliquer les prix si bas ? Est-ce là la bonne solution ? En plus, bcp degrandes marques bio revendent sous une étiquette portant la marque de la chaîne... Ce n'est pas tellement ce qui pourrait inciter à payer le prix juste ni à fréquenter les petits magasins ! Et comment expliquer aux gens cette différence de prix pour les mêmes produits et la justifier ??!

Bonjour Laurenzerl,

C'est vrai qu'il est important de consommer des produits bio pour les enjeux évoqués. Vous avez raison de souligner que les canaux de distribution sont à prendre en compte au même titre que les modes de production.  Parce-que comme on dit, la bio va au-delà du simple moyen de production et c'est pourquoi nous nous donnons comme mission de promouvoir une bio locale ET équitable. Assurer des revenus décents et justes au producteurs bio est un levier supplémentaire pour démocratiser la bio.

Très bel été à vous.

Cordialement,

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