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Loi de reconquête de la biodiversité : notre avis

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mur végétal
crédit photo : Caroline

La loi de reconquête de la biodiversité, votée en première lecture au Sénat le 26 janvier dernier, a été détricotée sur de nombreux points comme l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes, mortels pour les abeilles et autres insectes qui pollinisent 70% de nos cultures. Mais il y a aussi des avancées, notamment sur la biodiversité cultivée. Biopiraterie,  liberté d'échange des semences ou encore brevetabilité sont les points sur lesquels souffle un vent d'espoir. Des avancées en partie dues à la mobilisation du collectif Semons la biodiversité, dont Bio Consom'acteurs est membre.

 

On aime :

  • C'est la première loi d'envergure sur la nature depuis 1976

Quarante ans après la première loi en France sur le sujet, il était temps de mettre à jour nos obligations vis-à-vis de la nature. Accélérateur du changement climatique, extracteur boulimique de ressources fossiles, urbanisateur compulsif et pollueur, l'humain est devenu en quelques siècles une force géologique au même titre que les impacts de météorites ou les éruptions volcaniques. La loi de reconquête de la biodiversité occupe donc une place de premier plan après la loi de transition énergétique votée en 2015, qu'elle est censée compléter. Elle prévoit la création d'une Agence nationale de la biodiversité, qui aura le même rôle de mise en oeuvre des politiques publiques et d'expertise pour la biodiversité que l'Ademe pour l'énergie.

  • Le brevetage du vivant et la biopiraterie n'ont plus bonne presse

Les plantes et animaux issus de sélection traditionnelle, ainsi que leurs composantes génétiques, ne seront plus brevetables d'après ce texte. Fini l'appropriation par certains des traits existants dans la nature – par exemple, des variétés de laitues résistantes aux pucerons obtenues par un travail de sélection classique par des agriculteurs -  en déposant des brevets.

La loi de biodiversité réaffirme aussi que la France doit ratifier le protocole de Nagoya sur la biopiraterie. Ce protocole, adopté par la France en 2010 au Japon sous l'égide des Nations Unies, vise à éviter, par le biais de sanctions, le pillage des connaissances traditionnelles et des ressources génétiques par les firmes pharmaceutiques, cosmétiques ou agroalimentaires via le dépôt de brevets. Si ce protocole est ratifié, les firmes auront l'obligation de  reverser,  de  manière"juste et équitable", une partie de leur chiffre d'affaires aux détenteurs initiaux de ces savoir-faire.

Les sénateurs ont pris cette décision, fort attendue, au moment où l'Office européen des brevets annulait un brevet établi par Monsanto sur des melons rendus résistants à une maladie, après un simple croisement avec des melons cultivés traditionnellement en Inde.
Malheureusement, les sénateurs n'ont pas voté pour étendre l'interdiction de la biopiraterie aux combinaisons génétiques qui ne sont pas encore connues.
 

  • La liberté de semences avance

Les sénateurs ont élargi les possibilités pour les agriculteurs d'échanger leurs semences (voir l'infographie Bataille pour les semences):

1) Tous les agriculteurs, qu'ils soient membres d'un groupement d'intérêt économique et environnemental (GIEE) ou non, pourront échanger des semences produites sur une exploitation.  Rappelons que ces semences, dites de ferme, qui sont de fait adaptées localement à un terroir et à des pratiques locales, sont nécessaires pour s'adapter au changement climatique. Donc pour continuer de nous nourrir.

2) Un amendement a été voté pour interdire les semences non reproductibles dites Terminator. Cela signifierait – si la loi est définitivement adoptée d'ici fin 2016-  la fin des monopoles des gros semenciers, qui imposent des semences stériles, fragiles, dévalorisant le travail des agriculteurs.
 

  • Terrain plus glissant pour l'huile de palme

L'huile de palme que l'on trouve dans les gâteaux, chips et autres crèmes cosmétiques industrielles, vient en grande majorité de monocultures de palmiers à huile qui prennent la place des forêts du sud-est asiatique. Un article de la loi votée le 25 janvier crée une taxe à ces huiles de palme, leur ôtant un avantage fiscal qu'elles avaient par rapport aux huiles de tournesol ou de colza.

 

On n'aime pas :

  • Toujours pas d'interdiction des pesticides néonicotinoïdes

Les sénateurs ont voté contre l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes, ces substances reconnues par l'Anses (Agence nationale de sécurité de l'environnement et de la santé) pour tuer les abeilles, bourdons, papillons, etc., bref tous les insectes pollinisateurs. Un comble quand on sait que 84% de nos cultures en Europe en dépendent directement...et que l'utilisation des pesticides agricoles augmente.

Quelques jours auparavant, une étude internationale publiée dans Science montrait qu'on pouvait accroître le rendement des cultures agricoles de plus de 20% à l'échelle mondiale si l'on augmentait le nombre et la diversité des insectes pollinisateurs.

Au lieu de tenir compte de cette réalité et contribuer à un changement de modèle agricole, les sénateurs se sont aligné sur les représentants de l'agriculture industrielle, dépendante des intrants chimiques, au détriment des artisans de notre sécurité alimentaire. 

  • Pas de zones prioritaires pour la biodiversité

Le texte voté le 25 janvier n'inclut pas de zones prioritaires pour la biodiversité. Ces zones auraient pourtant rendu obligatoires certaines pratiques agricoles nécessaires pour la conservation d'une espèce sauvage en voie d'extinction, via des contrats rémunérés – qui auraient donc bénéficié économiquement aux agriculteurs. Elles auraient pu profiter à de nombreuses espèces protégées au titre de la directive européenne Habitats, comme le grand hamster d'Alsace, pour laquelle la France est menacée de sanctions pour protection insuffisante.

  • Préjudice écologique: le pollueur paye...sauf s'il est agriculteur

Les sénateurs ont intégré dans la loi la notion de préjudice écologique, qui consiste à faire payer aux pollueurs les dégâts "graves et durables" infligés à la nature. Tout pollueur devra d'après ce texte réparer ces dommages, en priorité en remettant le milieu en état, à ses frais, ou par compensation financière. Bémol : les agriculteurs ne sont toujours pas concernés par cette notion de préjudice écologique.

Bio Consom'acteurs attend que l'agriculture conventionnelle, dépendante aux intrants chimiques, entre enfin dans le champ du préjudice écologique. Car pour ouvrir en grand la porte aux pratiques agroécologiques, un bon levier serait de faire contribuer financièrement les agriculteurs à la réparations des dégâts écologiques qu'ils peuvent occasionner (ex:  algues vertes dues à l'afflux de nitrates en Bretagne ou pollution des eaux). Aujourd'hui, c'est le contribuable qui paye la facture de la dépollution des eaux, par exemple.


Le processus législatif doit se poursuivre par une seconde lecture à  l'Assemblée nationale, pour une loi définitivement adoptée courant 2016, a annoncé la ministre de l'Écologie Ségolène Royal. Bio Consom'acteurs espère que les députés prendront leurs responsabilités face au déclin d'une biodiversité directement impliquée dans la sécurité alimentaire mondiale, et suivra de près les avancées de cette loi.

Environnement

Commentaires

On oublie un peu le discours de la grande FNSEA qui continue à avoir un pouvoir étonnant sur nos politiques sous couvert de préserver les revenus de l'agriculture intensiveve et le panier de la ménagère(?) ne voit l'avenir qu'à court terme et pollue allègrement notre pays ! Après la PAC qui leur a permis de grossir au détriment des jeunes agriculteurs qui croient en l'avenir et préservent nos enfants, ils sont encore soutenus par nos politiciens pour tuer les abeilles et continuer à produire du cochon industriel bourré d'antibiotiques et qui pollue les nappes phréatiques . Combien de communes disposant de nappes souterraines suffisantes sont obligées de payer toujours plus pour aller chercher l'eau très loin afin que la population soit préservée !!!! On sait à qui profite le "crime" : faisons en sorte que ces producteurs paient si chers ce qu'ils nous font subir qu'ils décident enfin de changer leur fusil d'épaule ! (lire le livre noir de l'agriculture ...) Aidons les agriculteurs qui ont décidé de nourrir le peuple avec une nourriture respectueuse de la planète et de nos pauvres organismes humains qui y vivent.

Tout-à-fait d'accord et en ce moment les agriculteurs qui polluent avec les brûlages de pneus sur les routes démontrent qu'ils se moquent bien de la nature puisqu'ils émettent dans l'atmosphére des quantités incroyables de substances toxiques et cancérigènes .Mais qu'importe : les autres peuvent bien voir leur santé en danger, les terres peuvent recevoir dioxines , furanes , HAP et autres particules fines, et les animaux , tout comme les hommes finiront par absorber tout cela.
Pour ceux-là il faudrait parler "d'agricul-tueurs".

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