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# Portrait de consom'acteur : Marion, le sens de l'accueil(lette)

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A 28 ans, Marion Hervé est ingénieure agronome. Reliée à la terre depuis petite, elle est animatrice d'association pour Accueil Paysan Centre, mais aussi administratice et relai de Bio Consom'acteurs. Ses expériences ont un fil rouge : l'éducation et l'ouverture aux autres, quelles que soient leurs différences.

 

Depuis quand es-tu sensible à la bio et à des façons durables de consommer ?

Depuis toujours ! J'ai eu la chance de grandir en banlieue, dans une maison avec un jardin, entre deux parents sensibles aux questions d'environnement et de gaspillage. Ma mère surtout est une adepte de l'alimentation biologique, elle jardine beaucoup. Elle n'a jamais utilisé de produits chimiques dans son potager, et ce qu'elle ne cultive pas, elle l'achète bio le plus possible. Nous avons de temps en temps acheté des produits dans des magasins discount alimentaire, mais on trouvait ça moins bon ! J'ai eu la chance, aussi, de ne jamais avoir été incitée à la surconsommation sous quelque forme que ce soit, même si on est plutôt de la classe moyenne supérieure.

 

On t'a donc cultivée en bio.

C'est ça ! D'ailleurs après le bac, je me suis retrouvée en prépa “bio” qui ouvre aux concours agro-véto. Dans mes choix d’écoles d’ingénieur agro, il n’y avait que des écoles avec une spécialisation environnement. J'étais déjà bien motivée pour sauver le monde (petit rire). Durant mes stages et projets, je me suis plutôt tournée vers le changement climatique, en étudiant la résistance de variétés de pommes de terre au stress hydrique, ou les moyens de diminuer les émissions de gaz à effet de serre agricoles, dans le cadre du plan climat du pays des Mauges par exemple.

 

Et tu as rejoint Bio Consom'acteurs...

Oui. Comme je manquais encore d'expérience pour un emploi dans l’animation d’un plan climat - c’est ce qu’on me disait aux entretiens -, j'ai choisi de faire un service civique à Bio Consom'acteurs. J'y ai animé le réseau de bénévoles, organisé une table-ronde sur les circuits courts et travaillé sur le projet de plaidoyer Zéro phyto 100 % bio. Après, j'ai eu envie de mettre les mains dans la terre, et suis donc partie faire du wwoofing, en Nouvelle-Zélande.

 

C'est loin, dis donc. Peux-tu nous raconter en quelques mots ton expérience de wwoofeuse ?

Déjà, l'expérience du voyage en lui-même, dans un lieu inconnu à l'autre bout de la planète, c'est très fort. Mais là, en plus, j'ai découvert beaucoup de systèmes agricoles différents, bio ou non.
J'ai été dans une grande ferme de kiwis, oranges et kakis bio qui avaient la certification européenne (car ils exportent en UE).
J'ai été dans une ferme avec une certification “bio” spéciale pour les particuliers – un statut qui n'existe pas en France – où j'ai travaillé pour une femme qui était à la fois prof, maraîchère, éleveuse...et végétarienne - pas commun !
J'ai aussi cueilli des fraises et framboises chez un agriculteur conventionnel, à qui je ne me gênais pas pour dire que je ne travaillerai pas les lendemains de traitements aux pesticides.
Et j'ai aussi découvert une technique d'élevage utilisée par les Néo-Zélandais, afin d’optimiser le pâturage. Comme leurs élevages sont très grands (plusieurs milliers de brebis), le pâturage tournant, qui régénère l'herbe, est une technique qui a fait ses preuves. Elle n'est pas spécifique à un type d’agriculture mais est astucieuse, car elle permet d'avoir une herbe de qualité tout le temps, sur des surfaces optimales.

 

Tu veux dire qu'avec ton regard d'agronome, tu estimes que tout n'est pas à jeter dans l'agriculture conventionnelle ?

Oui. Globalement, cette expérience m'a convaincue qu'on a beaucoup à apprendre en s'ouvrant aux autres, même si on n'est pas d'accord avec tout ce qu'ils disent ou font. Mais je suis tout de même revenue confortée dans l'idée qu'il faut une agriculture respectueuse à la fois de l'homme, de l'environnement et des animaux - du vivant quoi !. Et que les consommateurs doivent changer leur alimentation, notamment en mangeant bio, moins de viande, plus local et de saison.

Es-tu végétarienne ?

Non, je n'y suis pas particulièrement favorable. Déjà parce que je trouverais dommage de voir disparaître toutes les races d'animaux d'élevage qui existent, et d'autre part parce que je crois que l'agriculture est indissociable de l'animal et évite l'hyperspécialisation agricole des régions. Les élevages de porcs en Bretagne, les céréales en Beauce...le genre de choses qui participent à dérégler les équilibres écologiques, et qui au final provoquent des algues vertes ou des inondations, par exemple.
Si l'on avait un peu plus d'arbres et de prairies dans le Centre et moins de monocultures, on n'aurait sûrement pas eu autant d'inondations en juin 2016. On pourrait aussi parler de la fertilisation organique des sols permise par les déjections animales.
Pour autant, j'ai conscience qu'on est arrivés à une surconsommation de produits animaux et que les méthodes d'abattage sont contestables. Personnellement, je mange de la viande une à trois fois par semaine et ça me convient.

 

Manger écolo, c'est un truc de bobos ?

Je ne m'estime pas du tout bobo. Même si j'ai un salaire moyen, il est loin d'atteindre celui de certains de mes potes de promo de l'école d'agronomie ! Et puis, qui dit travail en association, dit dépendance aux subventions publiques, donc précarité. Par contre, il est vrai que j'ai mis en place des choses pour limiter les coûts dans ma vie quotidienne. Je vis en coloc, fais du covoiturage, de la récup', du troc de fringues, j'achète d'occasion le plus possible (sauf le lave-vaisselle, il a dû être réparé trois fois, c’est sympa la récup’ mais parfois il faut se résoudre à prendre du neuf !). Il faut aussi dire qu'à Blois, le coût de la vie est moins élevé que dans les grandes agglomérations.

 

Mais les produits bio sont en moyenne plus chers que les produits conventionnels. Comment fais-tu, tu récupères aussi ta nourriture ? 


Non, je vais sur le marché, où je connais des producteurs bio du coin et des revendeurs bio assez éthiques. Sinon je vais à Biocoop. Pour l'épicerie, je m'approvisionne chez un copain qui fabrique des pâtes et des raviolis bio et qui me vend aussi le fromage blanc de la ferme sur laquelle il s’est installé. Je limite aussi le gaspillage (je mange périmé !), fais un compost, cultive un potager bio avec mes colocs… ce qui nous a permis de ne pas acheter de tomates depuis début août...et il y en a encore beaucoup ! Il faut aussi dire que j'ai la chance de travailler dans un monde de paysans, ça aide.

Et puis, j'avoue que je ne mange pas à 100 % bio : j'aime bien ce qui est artisanal et local aussi, notamment les bières du coin, et aller manger de temps en temps un des plats du Food and Brew - restau-pub qui a ouvert il y a un an à Blois..

 


Personne n'est parfaite, c'est ça?


Oui, et ça ne sert à rien de culpabiliser dès qu'on achète un aliment pas bio ou pas local, comme les bananes ou le chocolat ! L'important, c'est de faire de son mieux en fonction de ce que l'on sait, de ce qui compte pour soi et se faire plaisir.

 


Tu travailles pour Accueil Paysan Centre. Toujours l'agriculture, mais cette fois côté social plus que production. Pourquoi  ?


Après la Nouvelle-Zélande, j'ai travaillé dans des fermes puis à la FREDON (Fédération Régionale de Défense des Organismes Nuisibles) en tant que formatrice dans les vignes. En pleine action contre la flavescence dorée, les vitis ont été contraints de traiter par les insecticides… et chez les bios c’est le pyrèthre qu’il a fallu utiliser, un insecticide naturel tiré d'une plante et autorisé en bio et qui n’est pas sélectif (il tue tous les insectes). C'est là que j'ai constaté les limites du bio : d'un côté une lutte collective ne fonctionne que si elle est collective, mais d'un autre, cet insecticide bio a eu des impacts sur les auxiliaires des cultures alors que l’insecticide “chimique” a été moins destructeur. Pourtant son utilisation ferait perdre la certification...

Bref, j'ai eu envie de me rapprocher des paysans en eux-mêmes, labellisés ou non et le milieu associatif m’a toujours attirée. En gros, le principe de l'association Accueil Paysan est de faire du tourisme un moyen pour sortir les paysans de l'isolement, de diversifier leur revenu et donc les maintenir sur leurs terres. Les agriculteurs s'isolent beaucoup, et c’est une des raisons des nombreux suicides dans cette profession.

 

Qu'est-ce qui te motive là-bas?


En fait, ce côté social est très important pour moi. Je travaille en lien étroit avec les paysans, qui eux-mêmes accueillent les gens, familles, scolaires. On essaie de faire en sorte que les tarifs soient abordables pour tout le monde. L'idée c'est d'ouvrir un débouché aux paysans et les mettre en contact avec les autres et notamment les urbains. Cela vient tout droit de la mouvance d'éducation populaire et de Peuples et culture. J'y apprends plein de méthodes d'animation participative qui favorisent l'ouverture aux autres, qu'on n'apprend pas en école d'ingénieur.
Ce que j'aime aussi c'est le côté à la fois militant mais ouvert. Or, je pense que le changement de société ne s'opèrera que par l'éducation, laquelle ne peut être efficace que si l'on reste à l'écoute de ce que pense l'autre. Pour l'anecdote, je suis en coloc' avec des gars qui travaillent pour les galettes St Michel. On est loin des gâteaux artisanaux et bio et pourtant, on s'écoute et on s'enrichit mutuellement.

 

Avant tu avais déjà un peu travaillé dans le social, non ?

Pas vraiment travaillé mais j’étais bénévole pour Action Froid à Paris. Là aussi je me suis confrontée à des gens qui n'ont pas choisi (pour la plupart) de vivre dehors. J’ai rencontré des personnes de culture et de milieu social différent du mien, y compris les bénévoles avec qui j'ai maraudé, avec qui j'ai tissé de vrais liens.

 

Pourquoi es-tu bénévole à Bio Consom'acteurs ?

Parce qu'il faut des assos comme Bio Consom'acteurs pour montrer aux consommateurs qu'il est possible de consommer des produits meilleurs pour l'environnement sans faire trop d'effort et sans se ruiner, en proposant des façons de consommer différentes et de revoir ses priorités. Informer les consos est important car c'est cela qui va inciter les producteurs à passer au bio, avec bien sûr la prise de conscience que l'utilisation des produits chimiques en grande quantité détruit non seulement leur outil de travail (la terre), mais aussi met leur santé en danger.
Bio Consom'acteurs est pour moi un moyen de faire passer des messages aux consommateurs, aux producteurs et à nos élus (grâce à des campagnes comme Osons la bio ! ou 0 phyto 100% bio) autour de l'agriculture bio, du changement de consommation dans tous les domaines de la vie et particulièrement de l'alimentation, des textiles et des cosmétiques où sont utilisés les produits bio (et dans un cadre plus large les énergies, la solidarité, etc...)




Marion Hervé, animatrice pour Accueil Paysan Centre, administratrice bénévole à Bio Consom'acteurs
 

 

Crédit photos : Marion Hervé, Rémi Dubois, Emilie Jorda, Mathieu Lejeune

 

-> Si vous aimez ce que fait notre association, faites-nous un don :)

Sociétal

Commentaires

Même en bio, l'association L214 a démontré que les animaux qui serviront à de la viande bio ne sont pas mieux traités qu'en conventionnel. Très peu d'animaux vivent dans les prés comme le fait croire la pub ou le salon de l'agriculture et leur mise à mort est terrible. Depuis que j'ai ouvert les yeux sur le triste sort des animaux dans nos assiettes je ne pourrais revenir en arrière sans compter le côté écologique. Sinon du portrait l'idée est vraiment chouette.

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