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Les associations environnementales dénoncent le lobbying fait par l’industrie de la biotechnologie

Des membres de la société civile ont été calomniées dans les médias par des représentants des technologies génétiques au Haut conseil des biotechnologies.

 
Calomnies. C’est le mot employé par des associations environnementales, pour qualifier les paroles prononcées par «plusieurs représentants des technologies génétiques au Comité économique, éthique et social (CEES) au Haut conseil des biotechnologies (HCB)» dans les médias à leur égard. Dans leurs rangs se trouvent la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), les Amis de la Terre (AdT), France Nature Environnement (FNE). Ces représentants de la société civile dénoncent le fait de s’être fait affubler de qualificatifs tels que «obscurantistes», ou «antisciences». Notamment lors du procès des 60 faucheurs de vignes génétiquement modifiées (GM) de Colmar, qui a eu lieu fin septembre 2011.
 

Désespoir de la science

La Croix du 27 septembre donne ainsi l’avis de Jean-Christophe Pagès, directeur scientifique du HCB. «A Colmar, le sol était protégé par une grande bâche pour éviter les contaminations et les plants ne devaient pas fleurir pour éviter toute dissémination de pollen», défend-il. Cela ne suffit pas «pour garantir la non propagation d’éventuels virus recombinants» *, rétorque Christian Vélot, docteur en biologie et généticien moléculaire à l’université Paris 12. Les essais de vignes GM en plein champ, réalisés par l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) avaient commencé en 2004, dans le cadre de recherches sur la résistance de porte-greffes GM au virus du court-noué. Le 15 août 2010, les 70 plants de cet essai ont été neutralisés.
 
«Huit années de recherche saccagées», déplore l’Inra dans l’Age de faire du 5 octobre 2011. Encore cet «obscurantisme» qui fait «désespérer les chercheurs et la science»! L’ancienne directrice de recherches à l’Inra Jeanne Grosclaude dénonce, elle, la «destruction de l’outil de travail de travailleurs par d’autres travailleurs». Et fait remarquer que certains OGM auraient des avantages, tels que l’évitement de la bilharziose au Vietnam, grâce à un riz qui produirait de la vitamine A (le riz doré). Même genre de discours chez Philippe Kourilsky, chercheur en biologie moléculaire. Voici la vision des choses selon l'Age de faire: puisque les Américains sont nombreux à se nourrir d’OGM, on peut nous aussi nous nourrir d'OGM. «La question de la dangerosité alimentaire des OGM est réglée. Il n’y a pas de raison de les diaboliser».
 

Légumes dorés

Vouloir un vrai débat sur les cultures d’OGM, avec la participation de la société civile –représentée par les associations et des citoyens? Voilà qui serait le frein à toute la recherche européenne! C’est du moins ce qu’avance les Echos du 3 octobre 2011. «Sous la pression permanente et parfois violente des militants anti-OGM, c’est toute la recherche hexagonale sur les végétaux qui est en danger», y lit-on. Avec moult citations de chercheurs, inquiets de la «marginalisation» de l’Europe vis-à-vis d’innovations «qui vont révolutionner les filières de tous les pays, y compris les pays émergents», s'enthousiasme Marc Fellous dans ce même article. Témoins à l’appui (membres de l’Inra, de l’Association française des biotechnologies végétales, des producteurs de semences, ou de l’Inserm, ou encore du Comité humanitaire pour le riz doré), l’article déroule les prétendus avantages que pourraient avoir des OGM dans les pays pauvres, prenant l'exemple du fameux riz doré, «l’exemple même des bénéfices apportés par ces procédés», pour «compenser les carences qui affectent les populations asiatiques ou africaines». Encore plus beau: on pourrait rendre d’autres végétaux «dorés». Manioc, sorgho, banane génétiquement modifiés, de façon à en faire des «réservoirs d’éléments nutritifs ou d’acides aminés»… – ne le sont-ils pas déjà, au fait?
 

Fuite en avant

Les associations FNE, les AdT, la Fnab, l’UNAF et la Confédération paysanne se dressent contre cette floraison médiatique pro-OGM. Ils dénoncent la «fuite en avant chimique et biotechnologique prônée par ceux qui empoisonnent notre nourriture depuis 60 ans». Pour eux, «l’industrie ne supporte pas que l'agriculture paysanne ou biologique, les associations environnementales, les apiculteurs et les consommateurs puissent exprimer d'autres positions que les siennes et surtout retarder ses profits». Et rappellent que le comité économique, éthique et social (CEES) du HCB dont elles sont membres, «est un lieu de débat sur les OGM entre les parties prenantes et la société civile».  Société dont la voix mérite d'être entendue, notamment sur l’intérêt qu’ont «les mouvements paysans, les associations environnementales et les mouvements citoyens pour une vraie démocratie participative» dans l’innovation et le progrès agricole.
Les faucheurs volontaires récidivistes ont été condamnés le 14 octobre 2011 à des amendes de 20 euros à verser par jour durant 60 jours (1200 euros au total), et les non récidivistes à deux mois de prison avec sursis. L’Inra bénéficiera d’une indemnisation de 57 000 euros de dommages et intérêts.
 
 
* Les virus recombinants naissent de l’échange de matériel génétique entre un virus affectant la vigne GM et le transgène viral qu’on lui a inséré.
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