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Des chefs se mobilisent pour le climat

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Des chefs cuisiniers se lancent dans la préparation et la promotion de menus à faibles émissions de CO2. Une façon de sensibiliser les clients à la question climatique, sans négliger le plaisir de la nourriture.

Fondue de blettes au condiment carotte, filet de lieu jaune en croûte de noisettes. On ne dirait pas, mais l’intitulé de ce plat préparé par François Pasteau, chef à l’Épi Dupin, est original : les légumes sont présentés avant le poisson. Pour ce cuisinier, président de l’association Bon pour le climat, c’est une façon de dire à ses clients potentiels que les légumes, dans ce plat, sont en plus grande quantité que le produit carné. Car pour pouvoir arborer un nouveau logo, « bon pour le climat », sur ses menus, il faut privilégier le végétal, et ce en diminuant de moitié la portion de viande ou de poisson par rapport à d'habitude. Et l'honneur aux légumes ne suffit pas : il faut utiliser uniquement des produits de saison et locaux (moins de 200 km). Pour s’engager dans la démarche, un restaurateur doit proposer une entrée, un plat et un dessert qui respectent ces trois critères. Ce qui permettrait de diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre, selon l’association Bon pour le climat, à l’origine de cette initiative. Lancée le 13 avril dernier par des chefs de cuisine et un journaliste spécialisé dans la restauration, cette structure a pour objectif de changer les habitudes alimentaires, en passant par la restauration commerciale.

Du champ à l’assiette, l’alimentation représente 30% des émissions de gaz à effet de serre (GES), selon le groupement international d’experts sur le climat (Giec) . Épandage d’engrais azotés, déforestation, sols laissés à nu, déjections des animaux d’élevage, transport et transformation des denrées, réfrigération… Toujours selon le Giec, on pourrait réduire notre empreinte carbone de près de 9 milliards de tonnes équivalent CO2 par an d’ici à 2050, si l’on réduisait notre consommation de viande et de poisson et si l’on cessait de gaspiller un tiers de la production alimentaire. C’est pourquoi Bon pour le climat s’est concentrée sur les critères de végétalisation, de produits de saison et locaux...sans imposer le végétarisme  pour autant. « Si on avait choisi d’imposer des plats végétariens, on sait que les trois quarts des chefs allaient nous jeter », explique Jean-Luc Fessard, journaliste spécialisé dans la restauration et vice-président de l’association.

Ceviche d’épluchures de légumes
Car le but premier de Bon pour le climat est de mobiliser le maximum de restaurateurs et hôteliers, « et des bons, pour être crédibles, mais pas forcément étoilés ». D’abord pour qu’ils sensibilisent leurs clients, en suscitant les questionnements entre la poire et le fromage. Mais aussi pour qu’ils puissent partager, avec d’autres restaurateurs, des bonnes pratiques, recettes bas carbone et autres fournisseurs locaux, et ce via le site web de l'association. « On a voulu être dans l’action, même si tout n'est pas parfait », reprend Jean-Luc Fessard. D’où l’absence de critères concernant le mode de production des aliments – alors qu’on sait aujourd'hui qu’il existe des pratiques agroécologiques favorisant la séquestration de carbone, telles que l’agroforesterie . « Les producteurs bio nous ont dit qu’ils ne savaient pas encore, aujourd’hui, comment approvisionner régulièrement la restauration commerciale, contrairement à la restauration collective ou aux amaps. C’est une filière à créer ».

Pour l’instant, les chefs mobilisés sont ceux qui ont lancé le mouvement, déjà engagés dans le local, de saison "et la plupart sont dans le bio", ajoute Jean-Luc Fessard. Julien Dumas, chef au restaurant Lucas Carton à Paris,  prépare ainsi du ceviche de légumes à partir d’épluchures de légumes fermentées (donc non jetées) avec de l’ail, du piment et du jus de citron. François Pasteau, chef et propriétaire de l’Épi Dupin à Paris, choisit ses poissons en fonction de l’état de leurs stocks, via le guide réalisé par l’ONG SeaWeb Europe, trie les déchets fermentescibles pour qu'ils soient méthanisés, recycle ses huiles usagées. Des démarches qui vont dans le bon sens.

L’action de Bon pour le climat s’inscrit dans le contexte de la 21ème conférence des parties sur le changement climatique, qui aura lieu à Paris en décembre 2015. Mais l’objectif de l’association est d’aller au-delà de cette conférence, en mobilisant d’autres chefs. Pour les restaurateurs, c’est non seulement une initiative valorisante, mais aussi une « opportunité de business »,  souligne Claire Tutenuit, trésorière. Pour les 50 000 futurs participants à la COP 21, c’est l’occasion de trouver facilement des restos qui feront écho à leur raison d'être dans la capitale.
 

Crédit photo: connie ma

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