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Pesticides, OGM : et si les tests de toxicité sur les rats étaient tous biaisés?

rat de laboratoire crédit Jean-Etienne Minh-Duy Poirrier

Une nouvelle étude de l'équipe de Gilles-Eric Séralini montre que le régime alimentaire des rats de laboratoire contient des quantités significatives de polluants environnementaux. Selon les chercheurs, cette découverte pourrait remettre en cause toutes les études de toxicité réglementaires de tous les produits chimiques commercialisés depuis 70 ans.

Insecticides, herbicides, dioxines, PCB, métaux lourds, OGM : Gilles-Eric Séralini et son équipe de recherche en biologie moléculaire de l'Université de Caen auraient trouvé d'importantes quantités de ces substances dans les croquettes destinées aux rats de labo.  Par exemple, jusqu’à 22 fois plus de pirimiphos, un insecticide, et jusqu’à 3700 fois plus de glyphosate et son métabolite, que les doses journalières admissibles de ces substances (DJA) dans la nourriture destinée aux humains. Sur les 13 échantillons analysés, 9 contenaient du Roundup et 11, des traces d'OGM.

Cette nourriture serait suffisamment polluée pour provoquer d’office des pathologies chez les rats. Et notamment chez ceux qui sont censés être sains (les témoins), dans les études de toxicologie. Ce bruit de fond de pathologies compliquerait  la détection d’éventuelles autres maladies liées à l’administration d’un produit chimique. « En gros, les études des industriels sont faites avec des rats nourris au Roundup et aux OGM, qu’ils comparent avec des rats témoins nourris eux aussi au Roundup et aux OGM. Il faut être bien fin pour voir une différence entre les deux » résume Gilles-Eric Séralini. Christian Vélot, généticien moléculaire, utilise une image tout aussi parlante : « Dire qu’un OGM n’est pas toxique alors qu’on donne déjà au témoin des OGM à manger, ça revient à conclure qu’une substance est non-dopante en prenant Lance Armstrong comme témoin. On se fout du monde ! ». Le Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (Crrigen), qui soutient l'étude, préconise de nourrir les rats avec des croquettes bio, afin d'être sûr qu'ils soient les plus sains possibles lors d'études de toxicologie. 

L'équipe de G.-E. Séralini a analysé treize échantillons de croquettes, provenant des cinq continents, utilisées pour nourrir les rats de laboratoire dans les tests d'innocuité des produits alimentaires. Ils ont recherché les résidus de 252 pesticides, 22 organismes génétiquement modifiés (OGM), 4 métaux lourds, 17 dioxines et furanes et 18 polychlorobiphényles (PCB). Pour Joël Spiroux de Vendômois, président du Criigen, cette étude va jusqu’à remettre en cause toutes les évaluations toxicologiques réalisées par les industriels, y compris celles concernant les médicaments. « Depuis 70 ans, il existe des normes toxicologiques pour nous protéger. Si elles étaient vraiment efficaces, il n’y aurait pas cette flambée de maladies chroniques un peu partout dans le monde », argue-t-il. L'étude est pour l'heure en attente de publication dans la revue Plos One. Ses auteurs souhaitent que leurs conclusions soient prises en compte par la communauté scientifique pour qu'à terme, soient réduites les DJA des quelque 250 000 substances chimiques utilisées dans le monde.
 

Crédit photo: Jean-Etienne Minh-Duy Poirrier

Alimentation/Santé

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