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Pesticides : les procédures d’autorisation européennes sont laxistes, selon deux ONG

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L’Europe a créé une procédure d’homologation accélérée de pesticides initialement refusés ou retirés du marché. Une étude des ONG Générations futures et Pesticide action network Europe, montre que ce système d’autorisation viole, en pratique, les règles européennes.

Le bromuconazole est un fongicide. Que sait-on sur les impuretés qu’il relâche dans l’environnement ? Pas grand chose.  Son effet sur les poissons et les oiseaux, en tant que perturbateur endocrinien, est aussi inconnu. L’exposition du consommateur? Manque de données, encore une fois. Persistance dans l’environnement ? Forte. Vu les trous béants dans le dossier bromuconazole fourni à l’Europe, on pourrait croire que ce produit n’est pas homologué pour un accès au marché. Il n’en est rien. D’après Générations futures et Pesticide action network Europe (Pan-Europe), ce produit aurait, comme 63 autres, joui d’une procédure laxiste en matière d’évaluation des risques et d’autorisation.

Des lacunes ignorées
Homologués par l’Union européenne entre 2008 et aujourd’hui, 64 pesticides auraient bénéficié d’une procédure spéciale: la resoumission accélérée de leur dossier. Celle-ci offre une seconde chance, à des pesticides en voie d’interdiction, de rejoindre les substances autorisées, lesquelles sont listées dans l’annexe 1 de la directive européenne 91/414. La procédure de resoumission a été créée en 2008 par le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, où siègent des représentants des Etats membres et de la Commission européenne. Sous l’égide de ce comité, la direction générale de la santé et des consommateurs (DG Sanco), délivre les autorisations de mise sur le marché. C’est ce processus de resoumission que Générations futures et  Pan-Europe remettent en cause. D’abord parce que les pesticides pouvant être resoumis ne fournissent qu’un dossier réduit. C’est à dire plein de lacunes, selon Générations futures et Pan-Europe. Lacunes qui seraient, en outre, traitées à la va-vite par la DG Sanco. Laquelle aurait approuvé des substances dont on ignore les impacts sur la santé des consommateurs et l’environnement. C’est ce que les deux ONG ont constaté en analysant la procédure d’admission de 10 substances, parmi celles homologuées par la DG Sanco lors du processus de resoumission.

Aucun des 10 dossiers décryptés par les deux organisations ne démontre l’absence d’effets inacceptables sur l’environnement. Autrement dit, peu importe si on ne connaît rien des impacts d’un pesticide sur la pollution des eaux, ou encore sur le métabolisme des oiseaux: cette lacune n’implique en rien l’interdiction de la substance. Or, les données toxicologiques et écotoxicologiques ne sont pas en option dans les dossiers soumis à l’Europe. Elles sont même obligatoires pour prétendre à une autorisation de mise sur le marché, selon la directive 91/414. «L’industrie n’investit pas dans une évaluation sérieuse de la toxicité pour combler le manque de données», lit-on dans le rapport de Générations futures et Pan-Europe, «et tente de convaincre la DG Sanco avec des raisonnements et des calculs contestables».

Des impacts sur la santé humaine négligés
Pire: la DG Sanco ne tiendrait pas compte de risques clairement établis par l’Efsa. L’autorité européenne de sécurité des aliments évalue les dossiers des pesticides et rend ses conclusions à la DG Sanco. Or, l’Efsa conclut à des risques pour l’environnement dans 7 cas sur les 10 passés en revue par Générations futures et Pan-Europe...que la DG Sanco a tout de même homologués ! Ainsi, le pyridaben pourrait présenter un « risque élevé pour les organismes aquatiques, les oiseaux, les abeilles et les arthropodes non cibles », selon l’Efsa. Conclusion de la DG Sanco : le pyridaben n’a «pas  d’effet inacceptable sur l’environnement». Et d’approuver son homologation.

L’impact sur la santé des citoyens serait aussi largement ignoré, d’après les deux ONG. «Dans 8 cas sur 10, l’évaluation du risque pour le consommateur n’a pas pu être finalisée à cause du manque de données», lit-on dans leur synthèse. C’est ainsi que pour le myclobutanil, pour lequel les «informations toxiologiques sur les impuretés sont absentes» et les «essais sur les résidus incomplets», la DG Sanco rapporte tout simplement que «les résidus n’auront pas d’effets négatifs pour les consommateurs». Le myclobutanil a aujourd’hui accès au marché européen, comme les 63 autres substances passées par le régime de resoumission.

La modernisation de l'homologation des pesticides est retardée
Régime qui octroie une autre faveur aux demandeurs : les pesticides dont le retrait a été décidé en première instance se sont vu accorder un accès au marché prolongé jusqu’au 31 décembre 2012. En échange, les demandeurs doivent volontairement retirer officiellement leur produit du marché. Ce qui signifie en substance que des entreprises auraient «obtenu un accès au marché de 3 voire 4 années, avec des produits non inclus dans l’annexe I», selon Générations futures et Pan-Europe.

Pour  François Veillerette, porte-parole de Générations futures, ces homologations malgré des dossiers lacunaires, ou présentant des risques pour l’environnement et la santé, constituent une «violation grave des règles et d’un mépris systématique pour le principal critère d’approbation des pesticides : l’absence de conséquences inacceptables pour l’environnement». Hans Muilerman, de Pan-Europe, considère que «les régulateurs négligent leur mission de protection des personnes et de l’environnement». Sans compter que, pendant que la DG Sanco travaille sur des substances qui leur sont resoumises, elle remet à plus tard la modernisation de l’homologation des pesticides, demandée par le nouveau règlement 117/2009. Les deux ONG réclament «l’annulation de ces homologations non-conformes aux exigences de la directive 91/414 et du nouveau règlement 1107/2009», ainsi qu'une «révision complète de la prise de décision en matières de pesticides».

Le site de Générations futures
Le site de Pan-Europe
Lire le rapport "Contournement des règles européennes en matière d'homologation des pesticides", de Générations futures et Pan-Europe
 

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Commentaires

Dans notre commune, la société BASF vient faire des prélèvement d'eau sur notre source afin de voir si l'herbicide qu'ils ont vendu à l'agriculteur du village se retrouve dans notre eau. Tout cela en vue d'une post-homologation.....
Il s'agit du METAZACHLORE, ce produit fait-il parti des produits dangereux pour la santé ?

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